Un ascension stratosphérique à Hour.
Le 18 août 1934 eut lieu à Hour une ascension stratosphérique qui amena
le ballon de Hour à Ljubljana en Yougoslavie (± 1800 Km record de distance à
l'époque et à une altitude de 15500 m).
Le commandant est Max COSYNS assistant du
professeur Auguste PICARD, aidé de Nérée VAN DER ELST étudiant.
Cette 3e ascension belge
veut mesurer l'intensité et l'orientation des rayons cosmiques ainsi que la
teneur de l'air en ozone aux différentes altitudes. Le ballon est parti de la
plaine le long de la Lesse en contrebas de l'ancienne gare. La nacelle est
composée de huit hublots et est en aluminium. L'enveloppe du ballon est gonflée
à l'hydrogène pur et a une capacité de 14.130 m3. Il y avait un poste
émetteur-récepteur T.S.F. Il y avait également une vingtaine de sacs de sable de
12 kg comme lest à l'extérieur, tandis qu'à l'intérieur était disposé 80 kg
d'eau glycérinée (pour éviter qu'elle ne gèle) et un parachute de 4 mètres de
diamètre.
Le voyage
Lâché de Hour à
06h19, quarante et une minutes après son départ, le ballon est aperçu au-dessus
de Marche, puis un peu plus tard, au-dessus de Saint-Hubert. A 11 heures, il est
repéré à Sarrebrück, en Allemagne de l'Ouest. On signale ensuite son passage en
Autriche, à Steinach, Bad Aussee et Irdning. A 16 heures 40, il survole Graz
puis, en début de soirée, il franchit la frontière austro-yougoslave près de
Maribor et atterrit à Zenvlje.
- LE
TRAJET DU BALLON DE HOUR-HAVENNE À ZENAVLJE.
- 1. HOUR
- 2. MARCHE
- 3. SAINT-HUBERT
- 4. LUXEMBOURG
- 5. SARREBRUCK.
- 6. STEINACH.
- 7. BAD AUSSEE
- 8. lRDNING
- 9. GRAZ
- 10. MARIBOR
- 11. LJUBLIANA.
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50 ans plus
tard, le Vendredi 17
août 1984, Baudouin LENELLE rappelle l’évènement dans le journal « Vers
L’avenir ».
«
Enfin, le jour de gloire est arrivé" : en ce 18 août 1934, la phrase qui
entame les articles consacrés à l'ascension du ballon stratosphérique du
professeur Piccard à Hour Havenne est à la « une » et pas seulement de notre
journal. Ce jour-là, parmi les reporters présents à Hour-Havenne, à la
limite de Ciergnon, il ya une douzaine de confrères parisiens. Les jours qui
suivront, la presse anglaise en parlera aussi abondamment. En 1934, le 18
août était un samedi, exactement comme en 1984, cinquante ans plus tard.
.Incontestablement donc, ce samedi 18 août 1934, Hour Havenne, petit
village de la Famenne namuroise, est au centre de l'actualité: la Belgique
entre dans le club des précurseurs scientifiques et rivalise avec les
Etats-Unis ou l'Union soviétique pour l'étude de la stratosphère, cette
région de l'atmosphère terrestre comprise en moyenne entre 10 et 40
kilomètres d'altitude. Dans le Namurois, on attendait et on espérait depuis
plusieurs mois que l'événement se produise. L'ascension du ballon
stratosphérique du F.N.R.S. (Fonds national de la recherche scientifique)
avait d'abord été prévue pour les premiers jours de mai, puis pour le
dimanche 24 juin. A chaque fois il avait fallu déchanter. Mais maintenant,
ça y est, on en est certain : vendredi 17 août, de 12 à 14 h, la T.S.F.
annonce que les conditions météorologiques sont favorables et que c'est pour
demain. Dès 16 h, les premiers curieux affluent. Le site de Hour-Havenne est
idéal à la fois pour les aéronautes et pour les spectateurs.
Le
demi-million du Roi et les timbres.
La
prairie d'où décollera le ballon longe une boucle de la Lesse sur le
territoire du hameau de Hérock, commune de Ciergnon, à quelques dizaines de
mètres de la gare de Hour-Havenne. Elle est tout à fait plate et surtout
elle est entourée de petites collines.
Le
relief du sol en fait un site idéal, presqu'un amphithéâtre. Il est vrai que
les deux scientifiques de l'expédition connaissent bien la région: Max
Cosyns, physicien assistant du professeur Piccard à l'U.L.B., vient chaque
année en villégiature à Herhet-Houyet, tandis que l'ingénieur Wérée
Vanderelst est souvent à Lessive, près d'Eprave, où sa mère habite.
Peut-être aussi la proximité du château de Ciergnon a-t-elle joué dans le
choix de Hour-Havenne : le roi Albert avait personnellement donné un
demi-million de francs pour favoriser les expériences du professeur Piccard.
Le Roi
avait par ailleurs lancé un appel à l'argent pour soutenir l’effort des
savants. En 1932, en outre, on avait émis trois timbres-postes de la série "
Ballon Piccard» pour un total de 4.150.000 exemplaires. Leur valeur : 75
centimes, 1 F 75 et 2F50.
La
radio ne répond plus...
Le
professeur suisse Auguste Piccard - dont Hergé allait s'inspirer pour créer
Tournesol – à Bruxelles depuis 1922, était devenu célèbre deux ans
auparavant, en 1931 et surtout 1932: il avait été le premier à explorer la
stratosphère en battant le record du monde d'altitude avec plus de 16.000
mètres. Plus tard, il allait inventer le bathyscaphe.
Cependant pour Piccard et son assistant Cosyns, les 16.201 mètres de 1932 ne
constituaient ni un record ni un exploit sportif: c'était tout simplement
une performance scientifique. Seuls les Américains et les Russes
rivalisaient avec l'équipe belgo-suisse. Après les expériences des années
30, il faudrait attendre les années 50 et les satellites artificiels pour
monter beaucoup plus haut.
Mais
revenons-en au vendredi 17 août 1934 et à l'équipage 100 % belge: il est 16
h et les curieux arrivent en masse. Ils s'apprêtent à passer la nuit sur les
collines qui dominent le site. De là, on peut tout voir: le pylône de 40
mètres de haut installé pour les communications radio; les hangars
provisoires; les cordages: les treuils; les cabines téléphoniques et
télégraphiques; les tribunes, etc.
La
nacelle, sorte d'ovale en aluminium, brille au .soleil. A 19 h, des autocars
amènent 200 soldats préposés au gonflage du ballon. A 19 h 15, on installe
les projecteurs de l'armée. I/s resteront allumés toute la nuit. L'affluence
est inouïe. Les gendarmes ont fort à faire pour canaliser tout ce monde. A
22 h, à l'aide d'un micro, M. Cosyns explique les buts scientifiques de
l'expédition : observer la mesure du rayonnement cosmique et le spectre des
rayons ultra-violets. A minuit, le gonflement commence: des wagons-citerne
ont amené le gaz jusqu'à la gare. Des centaines de mètres de tuyaux font le
reste, L'opération dure quatre heures, jusqu'aux premières lueurs du jour.
Puis l'on fixe la nacelle une dizaine de mètres en dessous du ballon. Les
deux aéronautes embrassent une dernière fois leur famille. La porte de la
nacelle se referme sur eux. A 6 h 20, tout le monde retient son souffle: un
"Lâchez tout» résonne. La gigantesque poire allongée s'élève. A 6 h 40, elle
disparaît dans les nuages. Et puis plus rien: la radio de bord ne répond
plus...
Décorations yougoslaves
Toute
la journée du samedi et toute la nuit, en Belgique, c'est l'angoisse: aucune
nouvelle, la radio ne répond toujours pas. On sait juste, via des dépêches,
que le ballon a été vu en Allemagne, en Autriche, en Hongrie et en
Yougoslavie. Mais que sont devenus les deux hommes?
Enfin,
dimanche matin, c'est la libération: la T.S.F. annonce qu'" ils» ont
atterri. Près de Morska 'Sabota, dans le nord de la Yougoslavie. Ils sont
montés à 16.000 mètres et ont volé à du 85 km à l'heure. Directement, les
félicitations arrivent de partout. Le Roi et les ministres envoient des
télégrammes. Les deux aéronautes sont décorés par Léopold III et par... le
roi Alexandre de Yougoslavie.
Quatre
jours plus tard, Cosyns et Vanderelst reviendront en Belgique par... avion,
salués par une foule innombrable. Ils étaient devenus des héros nationaux.
Baudouin LENELLE.
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